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Nombreux sont ceux qui parlent d’appauvrissement du QI et si c’était l’arbre qui cache la forêt? Une petite relecture du sujet ?
Crédits photo : Shutterstock / whiteMocca
De quoi parle-t-on ?
Sur les bases d’évaluation du QI, seules quelques aptitudes sont appréciées, essentiellement l’intelligence logico-déductive, spatiale, dans ses aspects géométriques et langagière, là encore sur quelques composantes seulement.
Ainsi, nous remarquons tout d’abord, que le test attribué à Alfred Binet et Théodore Simon mériterait d’être remis au goût du jour des différentes intelligences mises en exergue par Howard Gardner (9 intelligences) et par Antonio Damasio et Daniel Goleman avec l’Intelligence Émotionnelle, nous aurions alors une représentation beaucoup plus contemporaine de l’intelligence. Plusieurs tests existent pour apprécier ces compétences auprès des enfants et des adultes.
Et surtout, nous pourrions revenir au test initial Binet-Simon[1] et découvrir qu’il était bien plus riche que les passations contemporaines en ligne ou lors d’examens. Une « évolution » qui mériterait déjà d’être appréciée. Au premier regard, il semble que les évolutions aient perdu en diversité et que nous y revenions davantage aujourd’hui.
Alors baisse du QI ou ??
Ce qui nous conduit au contenu du titre : l’effet Flynn qui décrit le développement de l’intelligence à chaque décennie depuis les premières mesures lors de la Première Guerre Mondiale[2] et depuis une quinzaine d’années la tendance s’inverse dixit diverses études.
Cependant, si nos appréciations de l’intelligence changent et que les conditions ont également été modifiées, alors nous pourrions imaginer de revoir nos appréciations de l’intelligence afin d’éviter de voir des HPI (hauts potentiels, surdoués, zèbres) à tous les coins de rue.
La nourriture, la santé et l’éducation ont contribué à améliorer notre intelligence.
Il est possible que des compétences aient été perdues (acquisitions d’informations apprises par cœur) et d’autres acquises (facilités numériques).
Les facteurs mentionnés dans les articles sur la baisse du QI[3] : effets de la pollution, de la malbouffe, pesticides, perturbateurs endocriniens, canabis et utilisation répétée des réseaux sociaux, pour la baisse de l’attention et de la concentration ou de la télévision et plateformes télévisuelles pourraient orienter les pensées et les abêtir par manque d’esprit critique.
Les études menées notamment par des chercheurs norvégiens[4] ouvre la porte à des a priori culturels et sociaux qui mériteraient d’être vérifiés à grande échelle pour ne pas ouvrir la voie à des ségrégations abusives.
Les conclusions visant à dire que la baisse du QI se traduit par un abrutissement est un raccourci que remet en cause Franck Ramus[5]. Selon lui, le ralentissement constaté serait surtout dû à nos conditions physiologiques et les limitations de notre cerveau.
L’appauvrissement du langage
Ensuite, toujours sur la base de ces recherches, Christophe Clavé[6], met, lui, l’accent sur l’appauvrissement du langage qui contribue la baisse de l’appréhension de la complexité du réel. Ce à quoi j’adhère également. Rappelons ce qu’en disait Emile Benveniste « c’est ce qu’on peut dire qui délimite et organise ce qu’on peut penser. » [7]
Plus nous diminuons le nombre et la variété des mots plus nous réduisons la possibilité des nuances et des capacités à représenter la réalité dans sa pluralité, nous risquons alors des réductionnismes et des clivages d’opinions plutôt que des dialogues féconds sur le réel pour resituer sa complexité.
Les réseaux sociaux utilisant les algorithmes participent à cliver les débats et à réduire attention et mémoire qui sont les composantes essentielles à la pensée critique et donc à notre liberté.
L’urgence d’obsolescence programmée de l’information conduit aux copier-coller qui manquent souvent de vérification des sources ou d’approfondissement des sujets.
La qualité de notre intelligence, les conditions de notre liberté
Ainsi, donc, il nous faut revoir les critères d’appréciation de l’intelligence, puis, revisiter sa norme, apprécier les facteurs qui lui permettent de se développer et ceux qui la détériore, accepter nos limitations physiologiques tout en cherchant de nouvelles modalités de la développer et conserver ses ingrédients clé : la curiosité, la mémoire, la concentration, la richesse du vocabulaire, la recherche de différentes sources pour élargir la discussion et favoriser les échanges de points de vue pour déployer notre esprit critique. Le fait d’externaliser les informations, à défaut de les avoir intériorisées par la mémorisation, a un impact sur la capacité à relier les choses entre elles qui est l’une des définitions de l’intelligence[8] (et de la complexité).
Nous avons donc la chance de pouvoir observer la manière dont nous pensons ce qui nous permet alors de corriger les biais de toutes sortes et muscler les parties les plus à même de déployer notre intelligence, celle de l’esprit critique, de la liberté et de la capacité à peser et agir dans ce monde complexe.
Christine Marsan
3 mai 2022
[1] https://journals.openedition.org/rechercheseducations/832
[2] https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique1-2012-3-page-465.htm
[3] https://www.notre-planete.info/actualites/91-baisse-QI-Europe
[4] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/intelligence-le-qi-de-la-population-baisse-t-il-depuis-les-annees-70_124942
[5] https://www.franceculture.fr/societe/sommes-nous-plus-betes-quavant
[6] https://temoignagefiscal.com/baisse-du-qi-appauvrissement-du-langage-et-ruine-de-la-pensee-par-christophe-clave/
[7] https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2013-3-page-80.htm
[8] La notion d’intelligence donne lieu à de très nombreuses définitions, pour les plus courageux, c’est par ici : http://cdoc.ensm-douai.fr/EBs/EB-Eloy&Laasri.pdf ; si vous voulez aller plus vite, c’est par là : https://www.scienceshumaines.com/intelligence-de-quoi-parle-t-on_fr_21032.html